Lausanne 4 : Vivre la réconciliation face à la guerre et au rejet
La semaine du 4e Congrès de Lausanne à Incheon, près de Séoul en Corée du Sud, touche à sa fin. Elle a été marquée par des interventions variées, avec des prédications bibliques le matin sur le livre des Actes, rappelant sans cesse l’importance de la collaboration dans l’évangélisation, et mettant l’accent sur le monde du travail comme ministère chrétien. Divers sujets brulants d’actualité ont également été abordés régulièrement, tels que : comment atteindre la génération Z ? Quel usage de l’intelligence artificielle dans le Mandat missionnaire ? etc.
De manière générale, les 5 222 participants venus de plus de 200 pays ont apprécié ce rassemblement. Cependant, quelques polémiques ont émaillé le congrès, qui seront traitées plus en détail prochainement dans Christianisme Aujourd’hui, notamment dans une synthèse plus large de l’événement. En clin d’œil, la soirée du 27 septembre était placée sous le signe de la réconciliation et de la responsabilité de l’Église face aux ruptures et aux ponts nécessaires entre elle et les souffrances et divisions de ce monde.
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Ne pas oublier que derrière la guerre il a de simples personnes qui veulent vivre dignement
Lors d’une table ronde, quatre intervenants ont témoigné de leur expérience face à la souffrance et du difficile chemin vers le pardon. Ainsi, Rula Khoury Mansour, chrétienne palestinienne de Nazareth, en Israël, a abordé avec beaucoup de pudeur le conflit israélo-palestinien et la guerre au Proche-Orient. «Ce conflit n’est pas seulement une question de territoire, mais il s’agit de simples personnes qui cherchent protection, dignité et paix», décrit la directrice fondatrice du Centre d’études sur la paix de Nazareth et professeure associée de théologie de la réconciliation et d’éthique chrétienne au Collège évangélique de Nazareth. «Ce conflit est dominé par la haine, l’extrémisme et la division, des deux côtés. Je suis malheureusement habituée à cela. Mais parfois, cette division vient aussi des chrétiens, et cela m’attriste. Je crois que la clé, c’est la réconciliation. La vraie paix, ce n’est pas l’absence de conflit, mais la réconciliation, qui est un mandat divin. Et nous devons penser au futur partagé pour les gens à Gaza, en Cisjordanie, en Israël, au Liban et plus largement au Proche et Moyen-Orient. »
Emmanuel Ndikumana, originaire du Burundi, a partagé l’histoire dramatique mais méconnue de son pays. «Le Burundi, tout comme le Rwanda son voisin, a traversé des événements très traumatisants. C’est dans cette souffrance que j’ai grandi, en me posant la question : que signifie être chrétien dans ce contexte de violence ?» Fondateur et directeur exécutif de Partners Trust International (PTI), une organisation non gouvernementale œuvrant pour le développement du leadership, Emmanuel Ndikumana a raconté son chemin vers la réconciliation et la manière dont la foi chrétienne l’a aidé à surmonter les épreuves liées à la guerre civile.
Menacé de mort à cause de son handicap
Daniel Kyungu Tchikala, évêque de la Communauté de l’Église du Christ en République Démocratique du Congo, a évoqué son expérience personnelle de la marginalisation des personnes handicapées dans la société congolaise, où beaucoup sont tuées, accusées d’être des sorciers. «Quand j’ai eu une paralysie à l’âge de 11 ans, un pasteur est venu chez nous et a dit que j’étais un sorcier puni par Dieu. Je ne pouvais pas me défendre à cet âge. Mais c’est précisément pourquoi nous devons montrer au monde un modèle de justice et de réconciliation.»
Daniel Kyungu Tchikala a insisté sur la nécessité pour l’Église de prendre la tête dans la lutte contre cette exclusion, et de montrer au monde ce que signifie vivre dans la paix, l’amour et le pardon : «Les personnes handicapées représentent une grande partie de la population mondiale, mais elles sont les plus exclues, même au sein des Églises. L’Évangile doit faire preuve de compassion et les inclure dans son message de réconciliation.» Il a rappelé que 50 % de la population handicapée est exclue non seulement des organisations sociales, mais aussi des Églises. Pour lui, le handicap, souvent perçu comme une faiblesse, est en réalité une opportunité de manifester la puissance de Dieu : «Dieu nous montre que la faiblesse n’est pas une menace, mais une occasion de révéler Sa force.»
Faire la paix est parfois difficile
«Faire la paix est très difficile pour moi. Nous sommes en train de réfléchir à ce qu’est faire la paix de façon biblique.» Président du Séminaire théologique évangélique ukrainien de Kyiv, Ivan Rusyn a évoqué la guerre actuelle en Ukraine : «Nous ne vivons pas une simple tension, un conflit, mais une guerre totale d’agression. Parmi toutes les armes qu’il est possible d’utiliser, seule la bombe atomique n’a pas encore été employée. Cette guerre est une menace existentielle pour mon pays.» Reconnaissant pour l’accueil des réfugiés ukrainiens dans les autres pays européens, Ivan Rusyn a exprimé la profonde douleur de son peuple face aux atrocités commises, et leurs besoins tant matériels que spirituels : «Les gens me demandent souvent si j’ai vu Dieu dans cette souffrance. Je leur réponds que je l’entends à travers les voix des bénévoles qui demandent comment ils peuvent aider, et à travers les remerciements des personnes que nous servons. Je vois Jésus en Ukraine, car il est toujours présent là où la souffrance se trouve.» Ivan Rusyn a insisté sur l’importance de la justice dans le processus de paix : «La paix ne peut exister sans la justice. Nous ne prions pas seulement pour la paix, mais aussi pour la paix ET la justice.»
La guerre n’empêche pas l’Évangile de se propager, assure Ivan Rusyn, qui a raconté une anecdote pour illustrer cela : «Un soldat ukrainien est venu vers nous et a dit : “J’ai trois heures. Je veux être baptisé”. Nous l’avons baptisé dans un lac à côté. Malgré les horreurs de la guerre, Dieu agit en Ukraine. L’Église grandit, des personnes trouvent la foi. Je crois en un avenir brillant pour l’Ukraine, si l’Église continue à remplir sa mission.» Pour Ivan Rusyn, la compassion est indissociable de la présence et de l’incarnation : «La vraie compassion, c’est souffrir avec les autres, avoir les mêmes cicatrices qu’eux. Lorsque nous sommes invités à pardonner, nous demandons aux gens de montrer leurs cicatrices, car ce sont ces cicatrices qui rendent le pardon authentique et la réconciliation possible.»
Depuis le 4e Congrès du Mouvement de Lausanne, en direct d’Incheon, Corée du Sud.