«À Gaza, un simple repas coûte 11 dollars», alerte le pasteur Hanna Massad

Pouvez-vous décrire les conditions de vie actuelles à Gaza, en particulier dans les zones les plus touchées comme le nord de la bande ?
J’ai contacté un ami à Gaza pour lui poser des questions, en particulier sur la situation dans le nord. Il m’a dit que la majorité des habitants du nord sont partis, mais qu’il reste peut-être encore quelques personnes qui ont refusé de quitter les lieux.
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Cela dit, la situation reste très tendue. Comme je l’ai déjà mentionné, les bombardements touchent presque toutes les zones, ce qui rend la vie de plus en plus difficile pour la population. Heureusement, selon les dernières nouvelles, tous ceux qui sont réfugiés dans les églises vont bien. Mais ces dernières semaines, nous constatons une forte augmentation du nombre de civils tués. C’est vraiment très dur à entendre. C’est terrible, surtout lorsqu’il s’agit d’enfants, de femmes, de civils innocents. Si un problème existe avec un groupe spécifique, on ne peut pas imposer de punitions collectives. Or, ce sont les civils qui paient le prix ultime, notamment en vies humaines.
J’espère que les gens – et particulièrement les chrétiens de l’Occident – prendront pleinement conscience de cette réalité. La communauté internationale tente actuellement d’envoyer davantage de camions d’aide et de secours, mais ce que nous voyons arriver à l’intérieur de Gaza est très insuffisant par rapport aux besoins énormes. Les gens souffrent. La faim est généralisée. Cela nous rappelle à quel point il est crucial que la solidarité exprimée par les mots se traduise aussi par des actions concrètes sur le terrain.
Quel rôle jouent les communautés chrétiennes locales dans l’aide humanitaire, malgré les ressources limitées ?
Concernant l’aide humanitaire, avec la Christian Mission to Gaza et l’Église baptiste de Gaza, nous essayons de venir en aide au plus grand nombre de personnes possible. Le 3 mai, nous avons distribué 3000 repas dans différentes zones – au sud, au centre et au nord de la bande de Gaza. Plus récemment, le 22 mai, nous avons pu distribuer 880 repas chauds. Mais à cause du siège en cours, le coût d’un simple repas est monté à 11 dollars. Cela montre combien tout devient plus difficile, mais nous faisons notre possible, jour après jour.
Ces distributions sont destinées en priorité à la communauté chrétienne, mais aussi à d’autres personnes dans le besoin, au-delà de notre cercle. Nous sommes heureux de pouvoir faire cela.
En tant que communauté chrétienne, nous faisons ce que nous pouvons. Nous sommes reconnaissants de pouvoir continuer à agir, non seulement pour les chrétiens, mais aussi pour la population plus large. Comme vous le savez, nous opérons généralement sous la bannière de l’Église baptiste. Cela fait partie de notre mission : transmettre un message de présence chrétienne et de solidarité.
Les gens se demandent : «Pourquoi ces chrétiens nous aident-ils?» Et c’est pour nous une joie immense de pouvoir aider, même par de petites actions
Hanna Massad, ancien pasteur de l’Eglise baptiste de Gaza
Dans notre région, au Moyen-Orient et à Gaza, le christianisme est souvent associé à l’Occident. Et l’Occident, comme vous le savez, est perçu comme un soutien militaire à Israël. Mais lorsqu’on découvre qu’il existe des chrétiens locaux qui se soucient, qui essaient d’aider, qui distribuent des repas chauds aux civils, cela surprend. Les gens se demandent : «Pourquoi ces chrétiens nous aident-ils?» Et c’est pour nous une joie immense de pouvoir aider, même par de petites actions. Nous sommes profondément reconnaissants pour chaque prière, chaque don, chaque geste d’amour. Ensemble, en tant que corps du Christ uni, nous pouvons refléter Son amour à travers la compassion et l’action fidèle.
En tant que chrétien originaire de Gaza, que souhaiteriez-vous que les chrétiens du monde entier sachent ? Que souhaiteriez-vous qu’ils fassent ?
Pour nous, les chrétiens, le Seigneur nous appelle à faire trois choses, comme le dit Michée 6,8: faire ce qui est juste, aimer la miséricorde, et marcher humblement avec notre Dieu. Nous devons rester concentrés sur le message du Christ et nous tenir aux côtés des opprimés.
Et encore une fois, si Jésus était physiquement ici aujourd’hui, il serait avec les otages. Il serait avec les civils tués, de tous les côtés. Il serait avec les enfants de Gaza, terrés sous les bombes. Il serait avec toutes les familles endeuillées – qu’elles soient juives ou palestiniennes – ainsi qu’avec celles qui souffrent à cause de la captivité de leurs proches.
Le message que je souhaite transmettre à mes frères et sœurs, c’est qu’il faut garder le cap sur ce que Dieu nous appelle à faire. Ce que Jésus voudrait que nous fassions dans cette situation difficile : comment refléter Son amour, comment rappeler que tous les enfants, tous les êtres humains, sont créés à l’image de Dieu – peu importe leur camp. Nous devons voir Dieu en chaque personne, et respecter cela.
Propos recueillis par David Métreau