L’article qui suit concerne le Mouvement de Lausanne, qui a fondé l’évangélisme comme nous le connaissons aujourd’hui. Pour en savoir plus, vous pouvez consulter notre dossier sur le sujet en vous abonnant.

Les critiques sur le texte et son processus d’écriture avaient déjà suscité la polémique lors du 4e Congrès de Lausanne en septembre 2024 à Incheon, dans la banlieue de Séoul. Le groupe Chrétiens évangéliques coréens pour la mission intégrale (KEEIM) appelle désormais les chrétiens du monde entier à signer une pétition pour demander formellement au Groupe de travail théologique de Lausanne une révision de la Proclamation de Séoul. La date limite pour les signatures est fixée au 17 juin 2025. Le texte de la Proclamation de Séoul (parfois aussi appelé Déclaration de Séoul) avait été publié au début du Congrès, qui avait réuni 5000 personnes de 200 nationalités en Corée du Sud pour réfléchir aux enjeux de l’évangélisation mondiale.

«Depuis trois ans, KEEIM exprime de manière constante ses préoccupations et ses interrogations concernant l’orientation du 4e Congrès de Lausanne, et ce par divers moyens. Malgré ces efforts, la Déclaration de Séoul, récemment publiée, représente selon nous une régression préoccupante par rapport à la vision historique du Mouvement de Lausanne», assurent Sam Cho, Jongho Kim, Jiwoong Moon, Hyungkook Oh et Kangil Lee. Ils exhortent le Groupe de travail théologique de Lausanne à «organiser une audience publique sur la Déclaration de Séoul» et à «initier un processus de révision».

«Les lacunes ne peuvent être ignorées»

Pour eux qui ont été «profondément façonnés par l’esprit de la mission holistique» qui caractérise le mouvement de Lausanne, «les lacunes de cette déclaration ne peuvent être ignorées». L’approuver dans sa version actuelle risquerait, selon le KEEIM, «de semer la confusion et de causer un tort durable aux chrétiens du monde entier qui s’appuient sur Lausanne comme guide au-delà de 2024».

Ils reprochent «une tentative de restreindre la vision historiquement large du Mouvement de Lausanne dans une approche de plus en plus défensive et limitée». Dans un texte intitulé «Nos réflexions et propositions concernant la Déclaration de Séoul», les cinq missiologues coréens déplorent une réduction de la mission de Dieu à une vision centrée sur l’Eglise locale et sur une formation interne au discipulat. Ils critiquent ainsi la manière dont la Proclamation de Lausanne affirme que «l’Eglise locale est la seule expression visible de l’Eglise universelle» (section 31) et que la mission revient uniquement à des activités internes à la communauté. Une approche qui ignorerait l’appel biblique à une mission qui embrasse toute la société et les enjeux de justice.

Part «disproportionnée» consacrée à l’homosexualité

Par ailleurs, les cinq signataires du texte évoquent la part «disproportionnée» consacrée à l’homosexualité dans la Proclamation de Séoul. «Cette focalisation nie l’appel missionnel du Christ à l’inclusion des personnes marginalisées. Si l’Eglise veut réellement aimer les personnes LGBTQ+, elle doit commencer par écouter leurs récits, reconnaître les souffrances causées par l’Eglise et se repentir. Rien de tout cela n’apparaît dans le texte. La mission commence par l’incarnation et l’écoute — ce que la Déclaration ne reflète pas.»

Enfin, le groupe KEEIM dénonce «l’opacité du processus de rédaction et la publication unilatérale de la Proclamation», ainsi que le prix d’inscription élevé du congrès (2000 $), «révélant l’institutionnalisation du Mouvement de Lausanne».

«Une inquiétante radicalisation politique de l’évangélisme coréen»

Dans leur texte, les signataires reviennent également sur plusieurs événements qui, selon eux, «soulignent une inquiétante radicalisation politique de l’évangélisme coréen, parallèle aux tendances droitières du monde évangélique global». «Nous y voyons une volonté de conserver des privilèges institutionnels et une fuite de la responsabilité publique, que nous invitons à interroger avec esprit critique.»

«La Proclamation de Séoul est conçue non pas pour remplacer, mais pour compléter les documents fondamentaux que sont la Déclaration de Lausanne, le Manifeste de Manille et l’Engagement du Cap, en fournissant des aperçus nouveaux sur les défis théologiques et missionnels contemporains», avait souligné David Bennett, directeur du Congrès, en conférence de presse en septembre. Le Comité de Lausanne avait par la suite confirmé que le texte était dans sa version finale.