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Cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques: blasphème, malentendu ou croisade?

Philippe Katerine, peint en bleu et déguisé en Dionysos, chante sur la table "de la Cène" qui a fait polémique.
© X.com / The Olympic Games
La cérémonie d'ouverture des JO est très loin d'avoir fait l'unanimité chez les chrétiens. Aujourd'hui, le CNEF rencontre la cheffe du Bureau central des cultes au ministère de l'Intérieur, afin de demander la garantie au respect des convictions.
Matthieu Schmidt

«Blasphématoire»: le mot est fort et il a envahi les réseaux sociaux à la suite de la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris, le 26 juillet. En cause, une image forte: une représentation du tableau de la Cène (1495-1498) de Léonard de Vinci par des danseurs-mannequins dont trois drags-queens et la DJ Barbara Butch, icône de la communauté LGBT auréolée au centre de table. Le tableau «Festivité» a donc embrasé la toile, suscitant un grand nombre de réactions parmi les chrétiens et leurs représentants. Le Conseil national des évangéliques de France (CNEF) rencontre aujourd’hui les autorités françaises afin de leur faire part du «sentiment d’une blessure profonde, notamment par ce qui a été perçu comme une parodie humiliante de la Cène ou la mise en avant d’une propagande idéologique clivante».

Un discours confus

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Sur le plateau de BFMTV dimanche matin, Thomas Jolly, directeur artistique des cérémonies d’ouverture et de clôture des JO, a affirmé que le but n’était pas de se moquer de qui que ce soit, ni de représenter le fameux tableau de la Renaissance. «L’idée était plutôt de faire une grande fête païenne reliée aux dieux de l’Olympe… l’olympisme. Je crois que c’est assez clair. Dionysos [Philippe Katerine, ndlr] arrive sur cette table.» De nombreuses personnes accusent en effet les détracteurs de ne pas avoir reconnu le Festin des dieux (1635-1640) de Jan Harmensz Van Bijlert. Philippe Katerine, pour sa part, s’est excusé au micro de CNN le 29 juillet en parlant d’un «malentendu» et espère se faire pardonner par les chrétiens.

Si les organisateurs de cette cérémonie ont tenté de tisser un lien entre histoire française, célébration de la diversité sous toutes ses formes et mythologie, une bonne partie du monde occidental n’a plus cette grille de lecture culturelle gréco-romaine. D’où la confusion entre la Cène et le Festin des dieux (d’ailleurs aussi interprétée comme telle par FranceTV et certains danseurs), entre la déesse de la Seine Sequana sur son cheval et un cavalier de l’Apocalypse ou encore un «veau d’or» sur la place du Trocadéro (même si celui-ci ne faisait pas partie de la cérémonie, puisqu’il s’agit d’une sculpture de taureau et de daim installée en 1937 par Paul Jouve).

Des chrétiens blessés

La Conférence des évêques de France a été la première faîtière à réagir, dès le lendemain, exprimant son désarroi face aux «scènes de dérision et de moquerie du christianisme». Lundi 29 juillet, le Comité protestant pour la dignité humaine (CPDH) a souligné l’intentionnalité malveillante de la représentation dans un communiqué, en «reproch[ant] aux autorités publiques un laisser-aller inacceptable dans lequel l’irrespect et l’offense prennent assurément le pas sur l’amitié et la concorde». Le CPDH appelle les chrétiens à revenir à la vraie table, à laquelle «ne peuvent s’asseoir que des pécheurs graciés, pardonnés». Une pétition accompagnée d’une lettre ouverte au président de la République circule actuellement, témoignant de la «reconnaissan[ce] de la liberté qui (…) accordée de croire et de vivre [s]a foi et pourtant [de l’]inquiét[ude] quant au devenir de cette liberté», évoquant non seulement la cérémonie mais d’autres sujets de société actuellement brûlants (loi concernant l’IVG, loi réprouvant l’homophobie…).

Face à ces appels, l’historien du christianisme Jean-Pascal Gay a publié une tribune dans La Croix le 29 juillet, et «montre que les critiques s’inscrivent dans une logique de concurrence victimaire» qui ne date pas d’hier. En effet, selon le professeur de l’Université catholique de Louvain, il s’agit d’une réaction «puérile» à une représentation «potache»: fustigeant l’influenceur bien connu Frère Paul-Adrien qui posait là une limite à la miséricorde chrétienne (et qualifiant cette limite d’hérétique et de blasphématoire), il affirme que les critiques sont issues de la sacralisation d’un héritage culturel (un tableau) et de la perte du «monopole de la censure» par l’Eglise.

La voix des évangéliques sera portée aujourd’hui par le CNEF auprès des autorités. En effet, son président et son directeur général «rencontreront au ministère de l’Intérieur la cheffe du Bureau central des cultes», afin de demander «de transmettre officiellement au ministre de l’Intérieur [leur] attachement à une laïcité qui fasse place à chacun et notre demande que l’État garantisse à tous, croyants ou non, d’être respectés dans leurs convictions essentielles au sein d’une République qui veut rassembler», indique la faîtière dans un communiqué. Erwan Cloarec, son président, appelle au nom du bureau: «Voyons dans la situation qui survient une réelle opportunité de témoigner de notre foi alors que la personne du Christ vient d’être placée au centre de ces jeux. Entendons les cris du cœur et le besoin de réconciliation de nos contemporains, leur quête d’identité et d’appartenance. Ils crient dans une société pluraliste; montrons-leur comment crier plus haut vers celui qui les invite tous à sa table et offre la vraie réconciliation, l’identité et l’appartenance véritables.»

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