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Gordon Dalbey, d’homme à homme

© © Alliance Presse
Le rencontrer dégage une impression bizarre. On est en présence d'un mec, un vrai, franc, indompté, dur, même, mais aussi d'une grande sensibilité. Pionnier du mouvement des hommes chrétiens aux États-Unis, Gordon Dalbey a un message particulier pour les hommes. Et vous seriez surpris d'apprendre comment il en est arrivé là
Evangéliques.info

Quelle est votre plus grande satisfaction en tant qu’homme aujourd’hui?
Mon épouse. J’ai connu passablement de déboires, l’échec d’un premier mariage, notamment. J’avais une peur bleue de m’ouvrir réellement à une femme. Il m’a fallu tout le courage du monde, il a fallu supplier Jésus de me guérir… Et cela a pris plus de temps que je ne pensais. À peu près deux ans. J’ai prié, j’ai jeûné, j’ai prié avec d’autres hommes. J’ai frappé et frappé encore aux portes du Ciel, et le Seigneur a commencé à me guérir, afin que je puisse ouvrir mon cœur à mon épouse, et avoir une vraie partenaire. En second, il y a le fait d’avoir un fils. Il est aujourd’hui âgé de 13 ans. En fait, nous ne pouvions avoir d’enfant. Ma femme et moi étions dans la quarantaine. J’ai décidé d’inviter régulièrement un couple de nos amis qui vivaient la même situation. Une fois par mois, nous nous retrouvions pour prier les uns pour les autres. Nous pensions que, comme Satan ne pouvait pas séduire les chrétiens afin qu’ils avortent, il s’employait à les rendre stérils. Nous l’avons presque perdu, mais aujourd’hui il est là. Il a treize ans (essuie une larme).

Qui, des hommes et des femmes, sont actuellement le plus mal dans leurs chaussures?
Je ne peux pas parler à la place des femmes. Mais je pense que le contre-mouvement doit commencer chez les hommes. C’est à l’homme de prendre l’initiative. Dans la perspective chrétienne, l’autorité prend sa source à la Croix. Celui qui «meurt le premier» prend les commandes. Quand j’affronte mes problèmes, je vois que mon fils commence à son tour à changer. C’est un mystère.
J’ai grandi dans un environnement «politiquement correct», où tout le monde allait mal. Dans les Églises, cette culture a des effets dévastateurs. On parle dans le dos des autres, alors qu’entre hommes, bon sang, il faut se dire les choses. Quand les hommes ne se comportent plus comme des hommes, les femmes deviennent frustrées, en colère, et elles font les choses à leur place.
En tant que pasteur, j’étais sympa. Mais une femme de l’Eglise m’accusait à tort; elle racontait ses mensonges à toute l’Eglise. Lors d’un conseil d’Eglise, je l’ai confrontée. Et les autres femmes m’ont félicité pour cela. Elles m’ont même dit qu’elles avaient prié pour que je le fasse.
Pour expliquer pourquoi nous en sommes là, il faut revenir à l’histoire. J’ai grandi entouré d’hommes qui revenaient de la guerre brisés. Ils avaient fermé leur cœur. C’est une génération d’hommes qui étaient là sans l’être. Ils étaient présents physiquement mais pas émotionnellement. Ainsi, nous détestions nos pères. Les femmes ont commencé à prendre la parole dans les années 50 en disant: «nous ne devrions pas être comme ça, mais nous n’avions aucune autre modèle». Ainsi, la société a opté pour un modèle féminin.

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Y a-t-il de bons modèles de masculinité dans la culture populaire actuelle?
C’est une culture qui cible les jeunes… (Soupir) Pour répondre par un autre biais à la question de savoir où trouver des modèles, et comment, je dis que Jésus n’est pas un modèle de comportement. Le copier n’a pas de sens. La question du modèle a trait a la relation avec Dieu le Père. Ce qui m’autorise à enseigner et à prêcher, c’est tout ce qu’il y a de brisé en moi et que j’ai amené à la Croix.
Dieu me montre mon besoin de communion fraternelle. J’ai des «angles morts» dans ma vie. Des domaines de ma vie que je discerne mal et qui ont besoin d’être restaurés. Un vrai homme est un homme vrai. Il ne joue pas. Il descend dans les tréfonds de son cœur.
Quand un homme est blessé, il a honte. C’est l’Adversaire qui nous dit: «Tu ne devrais pas être blessé, tu es un homme». Le plus grand défi en matière d’éducation aujourd’hui, c’est de donner à nos enfants cet établissement que nous n’avons pas reçu nous-mêmes. Les femmes ne peuvent pas nous le donner. Où le trouver? Auprès du Père.

La société occidentale n’est plus organisée sur la base de la séparation des sexes et des rôles. Que pourrait-elle faire pour développer la dimension communautaire de la masculinité, que vous appelez de vos vœux?
On ne va pas à l’hôpital à moins de savoir qu’on est malade. Notre monde couvre la souffrance (secoue la tête en signe de désapprobation). Beaucoup d’hommes viennent me trouver en me disant: «Vos paroles sont justes, mais je n’ai pas de temps pour Dieu». Je dis: continuez à courir, tant que vous le pourrez. Vous n’êtes pas encore prêts. Attendez d’avoir un divorce sur les bras, un enfant malade. C’est dommage d’attendre d’etre désespéré pour prendre les bonnes résolutions.

Que dire de la violence d’une partie de la jeunesse actuelle, dans les cités notamment?
Elle s’explique par l’absence des pères. Dans ce cas, l’énergie masculine est débridée, elle a perdu son but. Le chef de bande remplace le père. Ces jeunes sont emplis de colère parce qu’ils n’ont pas eu de père

Comment l’Église se ressent-elle de cette absence de vraie masculinité et de vraie féminité que vous décrivez?
Le manque d’énergie et de leadership masculin est destructif. Des gens qui parlent droit, franc, qui fixent des limites et des buts. Prenons l’image du train. Si la locomotive est féminine, on risque de faire comme dans les westerns, on met les chariots en cercle, on chante des chants, on passe du bon temps ensemble, mais au matin, quelqu’un devra sonner la trompette.
Nous avons une image tordue du Christ. S’il était le prophète famélique, efféminé et manucuré qu’on voit si souvent en représentation, il n’aurait pas pu emmener à sa suite de rudes pêcheurs comme Pierre et Jacques.
Voici comment je lis Jean 1,17: la grâce, c’est le principe féminin. La vérité, le principe masculin. Il faut les deux – en Jésus.
L’Église n’est pas dans la puissance de l’Esprit, tristement. Elle est devenue un lieu de morale et de discipline, mais pas de réalité. Jésus, avant toutes choses, est réel.

Pouvez-nous décrire ce Jésus homme – on a envie de dire ce Jésus mec?
En Luc 8, la fille de Jaïre est morte. Jésus déclare publiquement qu’en fait, elle dort. On se moque de lui. Il aurait pu se vexer, ou jouer au gentil. Mais la gentillesse n’est pas un fruit de l’esprit. Il a gardé avec lui les parents et deux disciples. Il a exercé son autorité.
Un jour, un jeune interne, pasteur est venu me voir. Son père était mourant, et les docteurs étaient impuissants.. Je lui ai demandé comment il priait pour ce père. Je lui ai dit qu’il fallait prendre autorité avant qu’il ne soit trop tard. Quelqu’un devait le faire. Un esclave vient mendier auprès du maître: «oh Dieu, s’il te plaît!». Ce n’est pas une attitude propre à un fils. Je l’ai revu quelque temps après, et je lui ai demandé comment allait son père. Il s’était rétabli. «As-tu pris autorité?», lui ai-je demandé. Oui, il l’avait fait.

Il y a une dimension spirituelle à la sexualité, ce que la société a perdu de vue. Mais faut-il être chrétien pour avoir une vie sexuelle réussie?
L’attraction d’un homme pour une femme, même à distance, c’est quelque chose de tellement fort. Et ça dépasse largement le domaine physique. Les anciens comprenaient ça très bien, qui en avaient même parfois fait quelque chose de mystique, avec des cultes, etc. Or, nous nous sommes tellements instruits que nous avons perdu le sens des réalités. 1 Cor. 6,15 le dit aussi. Le sexe est autant spirituel que physique. Les esprits sont unis dans l’acte sexuel. C’est la réalité, pas la moralité. Et l’Adversaire agit dans les ténèbres.
Une femme ne s’offre complètement à un homme que lorsqu’il y a un engagement pour la vie. Faute de quoi, elle garde toujours pour elle une partie d’elle-même. En une nuit, vous pouvez avoir une courgette, mais pas un diamant.

Depuis une vingtaine d’année que vous prêchez le même message, êtes-vous encouragés? Pensez-vous que la tendance puisse être inversée, au moins dans l’Eglise?
Seul Jésus en a le pouvoir. Ce n’est pas ma reponsabilité de changer l’Eglise. Ma responsabilité est d’etre fidèle. Mais je suis passionné par ce qui se passe quand j’exerce mon ministère de conseiller. Un soldat ne se bat pas s’il ne pense pas que la bataille peut être remportée.

Propos recueillis par Joël Reymond
Interview en version condensée dans l’édition de novembre du Christianisme Aujourd’hui

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