Le chanteur chrétien étatsunien Cory Asbury, ancien membre du collectif Bethel Music, a déclaré mi-juin sur TikTok que «tout le monde était au courant» des antécédents de mauvaise conduite de Michael Tait. L’apologète Mike Winger dénonce de son côté une culture de l’omerta «où dénoncer quelqu’un est perçu comme une menace pour tous».

Ces affirmations font suite à deux longues enquêtes du média chrétien The Roys Report et du quotidien britannique The Guardian publiées le 4 et le 13 juin. Elles accusent l’ancien leader de Newsboys et DC Talk d’avoir incité à consommer alcool et cocaïne, d’avoir drogué et agressé sexuellement, voire violé des jeunes hommes, dont des mineurs, principalement au cours des années 2000. En réponse à la première enquête, Michael Tait avait publié une déclaration sur Instagram intitulée « Ma confession – 10 juin 2025 ». Il reconnaissait ses années de toxicomanie et confirmait une grande partie du comportement signalé.

Des aveux partiels

«J’ai honte de mes choix de vie et de mes actes, et je ne les excuse pas. J’appelle cela simplement comme Dieu l’appelle: le péché», avait exprimé l’artiste. «La plupart du temps, je vivais deux vies bien distinctes. Je n’étais pas la même personne sur scène le dimanche soir et à la maison le lundi», ajoutait-il plus loin, avant de s’excuser auprès de ceux qu’il a blessés.

Le plus grand secret de polichinelle de la musique chrétienne

The Guardian

«Les allégations concernant le comportement de Michael Tait, révélées aujourd’hui, contrastent fortement avec l’image publique qu’il a cultivée pendant près de quatre décennies. Originaire de Washington D.C., cet homme de 59 ans a vendu 18 millions d’albums, dont des chansons encourageant souvent les jeunes chrétiens à rester sobres, abstinents et hétérosexuels. Mais des sources interrogées par The Guardian ont affirmé que la consommation présumée de drogue et le comportement abusif présumé de Michael Tait étaient “le plus grand secret de polichinelle de la musique chrétienne”», soulignait le journal britannique.

Ancien étudiant de l’université évangélique Liberty, Michael Tait était proche de Jerry Falwell, son fondateur, décédé en 2007. Ce dernier était à l’initiative de la Moral Majority, «l’organisation politique qui a mobilisé les électeurs évangéliques autour du parti républicain en 1980, transformant ainsi à jamais le paysage politique américain», souligne The Guardian. Jerry Falwell a été le mentor du jeune Michael Tait – qu’il appelait «mon père blanc» – et a contribué à propulser le groupe DC Talk «prônant la pureté sexuelle jusqu’au mariage» vers la célébrité.

Beaucoup d’artistes chrétiens mènent une double vie, selon Cory Asbury

Après l’aveu de Michael Tait, Cory Asbury a répondu aux questions d’internautes sur TikTok, rapporte The Christian Post. Lorsqu’on lui a demandé s’il avait eu connaissance des allégations avant qu’elles ne soient rendues publiques, le chanteur de «Reckless Love» (Amour extravagant) a répondu: «Tout le monde était au courant. Peut-être pas les détails précis, mais tout le monde était au courant.» Quand dans un autre commentaire, un utilisateur a demandé : «Combien de groupes/artistes “chrétiens” vivent une double vie comme Michael Tait et NTB*?», Cory Asbury a répondu: «Beaucoup.»

Ces commentaires ont gagné en popularité et plusieurs articles ont été rédigés dans la presse chrétienne anglophone après que l’apologète chrétien Mike Winger les a republiés sur X. Mike Winger a critiqué la culture du silence et l’omerta au sein de l’industrie musicale chrétienne. «Peut-être que la raison pour laquelle Michael Tait s’en est tiré si longtemps est que beaucoup d’autres personnes dans son secteur s’en tirent également, ce qui crée une culture où exposer qui que ce soit est perçu comme une menace pour tout le monde.» En avril, celui-ci avait publié une vidéo intitulée «Un avertissement à l’Eglise à propos de Todd White», dénonçant le comportement répété de tromperie, d’exagération et de manipulation du pasteur, président et fondateur de Lifestyle Christianity.

Les «compromissions» pour la gloire et le succès

Mi-mai, dans une vidéo publiée sur TikTok répondant à la question d’un internaute sur les «compromissions» que font souvent les artistes chrétiens «pour rester pertinents ou avoir du succès dans l’industrie» musicale, Cory Asbury avait déclaré: «Le marketing personnel est contraire à la voie de Jésus. Nous ne sommes pas faits pour nous promouvoir nous-mêmes. Pourtant, tous les artistes chrétiens ont une caméra braquée sur eux ou une équipe de tournage qui filme tout ce qu’ils font. Les Ecritures nous disent de ne pas laisser notre main gauche savoir ce que fait notre main droite. Et pourtant, nous engageons des équipes entières de promotion pour dire au monde à quel point nous sommes formidables, généreux, gentils et apaisants…»

Il poursuivait en dénonçant les artistes qui vont «se prostituer (sic) à chaque mouvement de louange existant». «J’ai connu des artistes qui font partie de trois ou quatre mouvements de louange à la fois: Bethel Music, Elevation, Maverick City… et qui se battent pour le succès», une attitude qui l’a lui-même éloigné de l’industrie de la musique chrétienne.

Des millions grâce aux tubes de louange chantés dans les Eglises

«Les gens écrivaient des chansons de louange en sachant qu’ils allaient recevoir un gros chèque de la Christian Copyright Licensing International (CCLI) si elles marchaient bien. J’ai personnellement gagné des millions et des millions de dollars grâce à la CCLI, qui est le système utilisé par les Eglises pour afficher vos paroles à l’écran quand elles chantent vos chansons», poursuit Cory Asbury.

«Mais ce qui se passe, c’est que les gens voient ce succès ou en entendent parler et se disent : “Oh, je veux faire ça. Je dois écrire un tube de louange.” Cela devient stéréotypé, cela ne vient plus du cœur, c’est de la camelote inauthentique, des sottises, cela ne vient pas de Dieu, mais de l’homme, et du désir de Mammon, du désir d’argent», dénonce encore l’artiste. Selon lui, les musiciens chrétiens et les musiciens et artistes de la musique chrétienne contemporaine (MCC) «sont généralement les plus prétentieux que j’ai rencontrés», par contraste avec les artistes de musique country «super humbles et détendus». 

*Avec NTB, l’internaute faisait référence à un message (aujourd’hui supprimé) partagé par Bo Rinehart, 43 ans, ancien guitariste du groupe NEEDTOBREATHE le 12 juin sur les réseaux sociaux. Il alléguait avoir été abusé sexuellement par plusieurs personnes pendant son enfance, dont son frère aîné Bear, le chanteur principal du groupe de rock de rock chrétien qui a formellement démenti, ndlr)