Jacques Ellul, 30 ans après: une pensée encore d’actualité
Samedi 23 novembre, 200 personnes se sont réunies à la HET-PRO (Haute école de théologie) à Saint-Légier (Suisse) pour commémorer les trente ans du décès de Jacques Ellul (1912-1994). Intitulée «Face aux crises actuelles: quelle espérance?», cette journée, organisée par A Rocha, ChristNet et la HET-PRO, a permis d’explorer la pensée critique de l’auteur bordelais face aux défis contemporains. «Une critique de la technique pour suivre le Christ au-delà des idéologies», annonçait le flyer de l’événement.
Dépassés par l’engouement des intéressés, les organisateurs ont fermé les inscriptions quelques jours avant l’événement, pour s’assurer de pouvoir accueillir correctement les personnes inscrites dans une salle qui a atteint sa capacité maximale. Venue des quatre coins de la Romandie mais également de France, de Belgique et d’ailleurs, la foule drainée était constituée surtout d’aînés familiers avec l’auteur vedette, mais également de jeunes étudiants, de curieux avertis ou de personnes intéressées par le thème de la crise.
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Pour les participants s’étant déjà familiarisés avec le travail de Jacques Ellul, les échos se ressemblaient: «Découvrir Jacques Ellul a radicalement changé mon rapport à la technique, mais aussi influencé ma marche avec Jésus», témoigne un jeune étudiant participant. «C’est en lisant La subversion du christianisme (éd. Seuil) que j’ai pris conscience d’à quel point ma façon d’être chrétien avait besoin de changer», avance un autre.
Les conférences et ateliers participatifs ont plongé les participants dans une réflexion sur la technique, le désespoir et l’espérance. «Pas d’espérance sans désespoir», a rappelé Frédéric Rognon, professeur de philosophie à l’Université de Strasbourg. Dans un monde où la technique avance tel un bolide incontrôlable, Jacques Ellul incitait à choisir la «non-puissance», un renoncement conscient à l’hyper-efficacité technique.
La matinée a également été marquée par des interventions riches et interdisciplinaires. Jacob M. Rollison, théologien, a décrit la technique comme une force auto-accroissante, générant autant de progrès que de crises. «A-t-on ouvert une boîte de Pandore que l’on ne peut plus refermer?» questionnait le spécialiste. Et d’insister sur la nécessité de lire à la fois la sociologie de Jacques Ellul, directement suivie de sa théologie, pour ainsi passer du désespoir à l’espérance. David Bouillon, professeur à la HET-PRO, a offert un éclairage biblique, notamment à travers le prisme du livre du prophète Jonas – commenté par Jacques Ellul –, soulignant que l’amour et la compassion de Dieu appellent l’humanité à la responsabilité.
Les ateliers de l’après-midi ont permis aux participants de s’engager activement dans l’élaboration de pistes concrètes pour répondre aux crises. Ces contributions, discutées en table ronde, seront compilées dans une publication à paraître en juin 2025: Face aux désastres – Avec Jacques Ellul, penser la crise et choisir l’espérance (éd. Mennonites). Elles comportaient des intentions de prière, en réponse aux crises de ce monde, qui ont été lues et récitées solennellement en guise de conclusion de la journée. Un signe fort d’unité et d’espérance déterminée.
Le succès de la rencontre a suscité l’envie d’aller plus loin et des propositions d’initiatives peuvent être soumises pour prolonger cet élan collectif. Cette journée l’a prouvé: Jacques Ellul, critique lucide mais porteur d’espérance, demeure une figure inspirante pour ceux qui cherchent des réponses face aux impasses de notre temps.