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Qu’est-ce que le passage de Gaza aux mains du Hamas change ?

© La librairie biblique de Gaza après l'attentat de ce printemps
Pour les rares chrétiens de la bande de Gaza, c’est pour l’heure l'expectative mêlée d'appréhension, cinq jours après le passage de la bande de Gaza sous l’autorité du Hamas. La grande inconnue est la capacité du mouvement de la résistance islamique à rétablir l'ordre et avec quel projet. En effet, les violences anti-chrétiennes ont été jusque-là le fait de factions encore plus radicales et incontrôlées.
Evangéliques.info

Église catholique pillée
Un acte de pillage et de profanation a eu lieu à l’église de latine de Gaza (incluant le couvent et les classes de maternelle voisins) – aussitôt récupéré par le Hamas et le Fatah pour s’accuser mutuellement de «crimes barbares» et de déstabilisation. D’après les informations à disposition, cet acte aurait été perpétré par une escouade plus ou moins indépendante pour des motivations en partie financières. Les autorités du Hamas elles-mêmes ont visité les lieux, rencontré les responsables et promis de réparer les dégâts et de veiller à la sûreté des églises.
Le berger de la petite communauté catholique Manuel Masallam a aussi cherché à jouer l’apaisement en réitérant, c’est usuel, sa confiance en une cohabitation pacifique : «Les chrétiens de Gaza sont aussi Palestiniens les uns que les autres». Les fidèles, eux, comme le rapporte notamment le quotidien libanais L’Orient le Jour, craignent d’être pris pour cible par des extrémistes et réclament une protection officielle. D’autres médias qui ont pu joindre des chrétiens locaux font état d’un désir toujours plus grand chez ces derniers, si l’occasion leur était donnée, d’émigrer.
Les chrétiens sont au nombre de 2000 (voire 2500) dans toute la bande de Gaza, sur un total de plus d’un million de personnes et ils sont majoritairement grecs-orthodoxes. Les trois écoles catholiques y jouissent d’une bonne réputation; la majorité des élèves y sont des musulmans, dont des enfants de cadres du Hamas et du Fatah.

Les évangéliques prudents, ne se plaignent pas du Hamas
La petite communauté évangélique de Gaza (150 membres) a aussi été cambriolée, par les miliciens de Fatah lorsque ces derniers ont utilisé leurs locaux pendant les combats, surtout le toit comme point de tir. D’après son pasteur Hanna Massad, l’inquiétude domine. «Beaucoup de paroissiens sont en état de choc», a-t-il confié à Cyber Cast Service. «Le Hamas n’interdit pas le culte chrétien», a-t-il encore expliqué. «Les chrétiens veulent vivre leur foi, mais ils n’ont pas une pleine liberté de le faire, c’est sûr».
À la différence du patriarche orthodoxe qui n’a pas pu venir dimanche de Jérusalem, bouclage oblige, pour célébrer la messe, Hanna Massad a pu, lui, célébrer le culte du 17 juin; une semaine plus tôt, il avait dû l’annuler en cours de route à cause des combats.
La librairie biblique de Gaza, déjà ciblée ce printemps par un attentat à la bombe, a fait savoir, par la voix de ses responsables, qu’ils n’ont pas eu de problèmes avec le Hamas.
La Commission «Liberté religieuse» de l’Alliance Évangélique Mondiale croit savoir, quand à elle, qu’Al Qaïda a infiltré la bande de Gaza depuis le retrait israélien et que ses éléments s’attaquent principalement aux propriétés chrétiennes.
Plus alarmiste encore, le Courrier International a choisi, lui, de reproduire une interview accordée à Yediot Aharonot («Dernières Nouvelles», quotidien israélien de centre-droite) par un chef salafiste de la bande de Gaza, le sheikh Abou Saqer. Selon ce dernier, qui n’a pas de statut officiel, le Hamas doit faire de Gaza un pur état islamique ; l’alcool et les lieux de loisirs seraient interdits et les femmes, qui qu’elles soient, devraient être couvertes en public. Enfin, les «activités missionnaires» seraient punies «sans pitié». Voilà un exemple des forces en présence dans la bande de Gaza.

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Et le «conflit»?
De fait aujourd’hui, Gaza et la Cisjordanie sont deux territoires séparés. D’un côté, on trouve Gaza isolée du reste du monde, après la fermeture des frontières par Israël et l’Égypt ; les Etats-Unis viennent du reste de voter un crédit humanitaire de 40 mio de dollars et les purges du Hamas contre les opposants ont commencé.
De l’autre côté, on a la Cisjordanie où Mahmoud Abbas a écarté tous les membres Hamas de son gouvernement pour en reformer un nouveau. Craignant la contagion, le Fatah a du reste d’ores et déjà incarcéré une trentaine de responsables locaux du Hamas. Mais on ne sait pas vraiment combien de temps le Fatah pourra résister et quel est le soutien populaire dont il dispose réellement.
Un blogueur membre d’un convoi humanitaire sur place partage sa curiosité d’avoir découvert, en parlant avec des membres des services de sécurité à Gaza, que ces derniers n’avaient en fait pas combattu. Et d’expliquer la défaite-éclair du Fatah, pourtant relativement bien équipé, par le fait que ses membres étaient lassés et prêt à jeter l’éponge, eux qui avaient été payés sporadiquement et au lance-pierre depuis plus d’un an et qui se sentaient abandonnés par leur employeur.
Rien de bon donc, avec la division en deux sous-unité d’un État qui y ressemble de moins en moins. Les risques de voir la déstabilisation s’étendre à la région ne sont jamais à oublier.
Guysen, l’agence de presse francophone d’Israël, évoque un gouvernement israélien actuel fragile et contesté à l’interne qui a d’autres chats à fouetter. Si ce dernier a dit par la voix de son premier ministre ne pas être insensible aux souffrances des Palestiniens, toujours selon Guysen, il laisse faire – que peut-il faire d’autre?
Dans sa couverture des événements, la Commission Liberté Religieuse de l’AEM fait intervenir deux penseurs arabes réformistes, un Égyptien et un Qatari, qui tous deux voient dans la guerre civile dans les territoires palestiniens le résultat logique de décennies d’appel à la violence et à la destruction de l’autre. Les fruits de cette logique, qui est présente dans tout le Moyen-Orient mais particulièrement concentrée dans les territoires palestiniens, sont maintenant à maturité: c’est l’autodestruction, toujours selon les sources citées par l’AEM.
(JR)

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