Invité pour la conférence «Le Japon d’aujourd’hui face à la crise morale de l’Occident» à l’université d’Hiroshima le 18 octobre 2025, l’historien et démographe Emmanuel Todd a formulé un diagnostic controversé sur la crise morale que traverse l’Occident. Dans un article de blog publié le 15 novembre résumant son intervention, il affirme notamment que «la disparition du protestantisme explique l’effondrement éducatif américain».

L’argumentaire d’Emmanuel Todd repose sur une typologie des stades de l’abandon religieux menant à la «religion zéro», où toutes les valeurs morales héritées ont disparu. Ce vide engendre un «nihilisme», «qui mène à une passion de la guerre dans les mentalités, et à une préférence pour la guerre en géopolitique». Il pointe les «responsabilités occidentales» dans la guerre à Gaza ou en Ukraine.

A l’instar du judaïsme, il caractérise le protestantisme comme une religion «très exigeante» et «obsédée de transcendance», marquée par le rejet de l’art et des images, reléguant la beauté du monde au second plan. La thèse polémique est que «quand de telles religions, obsédées de transcendance, disparaissent, il ne reste rien. Le monde n’est en lui-même pas intéressant, vide. Ce vide intense ouvre une possibilité particulière de nihilisme.»

Un catholicisme plus «humain»

Par contraste, le catholicisme, qu’il estime plus «humain» et ayant conservé l’art, permettrait à ses nations de maintenir un «sentiment de cette beauté du monde» après la perte de la foi. «Dans un pays catholique, si vous perdez Dieu, il vous reste le sentiment de cette beauté du monde», offrant ainsi un amortisseur culturel contre le vide métaphysique.

Sur le plan géopolitique, Emmanuel Todd avance une autre proposition sujette à caution en affirmant que le «bellicisme» et la «russophobie» sont concentrés dans «l’Europe protestante» (Royaume-Uni, Scandinavie, majorité de l’Allemagne), tandis que les pays catholiques (Italie, Espagne) seraient plus modérés.