Témoignage: sous le joug d’un pasteur abusif

Dans un épisode de son podcast «Dans les yeux d’Olivier», produit par Europe 1 et rediffusé* le 22 mai, Olivier Delacroix donne la parole à Jean-Philippe, qui a été «sous le joug d’un pasteur». Jean-Philippe, ingénieur de formation et informaticien, se confie sur le piège qui s’est refermé sur lui lorsqu’il y a dix-huit ans, il quitte sa vie en France pour travailler en Israël auprès d’un pasteur fondateur d’une école de théologie. Il raconte, sans prononcer directement le mot, l’emprise qu’il a subie face à ce pasteur qui a «profité de [sa] crédulité et de [son] enthousiasme», l’exploitant et le faisant travailler sept jours sur sept. «On lui passait tout parce que c’était lui», confie Jean-Philippe.
Dans le podcast, un professeur qui a assisté aux débuts de l’école témoigne des humiliations publiques infligées à Jean-Philippe. S’il reconnaît avoir lui-même été séduit par le pasteur autant que par le projet de l’école, centrée sur l’apprentissage des langues anciennes et de l’archéologie, ce professeur décrit à Olivier Delacroix un homme manipulateur: «Les étudiants, les paroissiens, l’administration, les voisins, le propriétaire des locaux… C’était quelqu’un qui changeait de visage en fonction des gens avec qui il était.» Et le professeur de confier: «Très vite, je voyais ce côté très trouble, très pervers, très inquiétant.» Mais lui aussi tente alors de l’excuser: il n’est pas formé, il ne vient pas du milieu universitaire…
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Parti «par instinct de survie»
Rentré en France «par instinct de survie», physiquement et moralement affaibli, sans avoir osé confronter le pasteur, et «ayant laissé derrière lui une partie de lui-même» – confie son épouse –, Jean-Philippe réalise à quel point les séquelles psychologiques sont profondes.
Les années passent et en 2020, au moment du premier confinement, il apprend que le pasteur en question continue de terroriser des étudiants et des professeurs. Un collectif se monte, non sans difficulté : beaucoup ne souhaitent pas témoigner, par peur du pasteur et de ses réseaux, ou pour ne pas revivre le traumatisme. «Il existe aussi encore cette idée qu’on ne doit pas parler en mal de l’homme de Dieu.» Les autorités ecclésiales sont alertées, mais essaient d’étouffer l’affaire, déplore le professeur. Pourtant, «des étudiants ont eu la vie détruite et ne s’en remettront plus jamais», glisse-t-il. Trente-trois témoignages sont recueillis et une enquête est ouverte en août 2020 pour abus de faiblesse. Un pasteur, un berger, est là pour prendre soin des gens, pas pour se servir d’eux; «celui qui se sert, c’est un loup», conclut Jean-Philippe.
Si dans le podcast «Dans les yeux d’Olivier» ni le nom du pasteur ni celui de l’école biblique ne sont directement mentionnés, Christianisme Aujourd’hui avait notamment évoqué l’affaire à l’automne 2020 dans le cadre d’un dossier consacré aux abus spirituels.
*Une première diffusion avait eu lieu le 18 septembre 2024.