Skip to content

Les véritables héritiers de Calvin

En voyant l’Eglise de ce temps, comme Moïse jadis contemplant de loin le pays promis avant de tirer sa révérence, on peut imaginer que les sentiments de Calvin seraient mitigés.
Evangéliques.info

Quel regard porterait Jean Calvin sur son œuvre, s’il pouvait la contempler à cinq siècles de distance? Sans doute qu’il grimacerait en voyant son nom et son portrait revenir si souvent en couverture de livres et de magazines. Il est vrai qu’en cette année anniversaire, les éditeurs protestants, surtout réformés, s’en sont donnés à cœur joie. On se rappellera que Calvin, conscient de son aura et serviteur jusqu’au bout, a choisi de reposer dans une sépulture sans nom.
En voyant l’Eglise de ce temps, comme Moïse jadis contemplant de loin le pays promis avant de tirer sa révérence, on peut imaginer que les sentiments de Calvin seraient mitigés. Tout d’abord, la Réforme a survécu. Tel fut le souci constant et même croissant du réformateur tout au long de son existence. Mieux que ça, d’un triple tronc (luthéranisme, réformisme et anabaptisme) la Réforme est devenue un vaste arbre, aux ramifications aussi vives que diverses et colorées. Mais c’est aussi là que le rameau blesse: le morcèlement institutionnel (beaucoup plus que géographique) du protestantisme, sa perte de confiance en la Bible pour sa branche réformée et ses rapports souvent conflictuels avec l’Etat pour sa branche évangélique affligeraient Jean Calvin.

–CREDIT–
Le réformateur rêvait d’une seule Eglise, la sienne, qui au moins pourrait vivre en paix sous des pouvoirs plus tolérants, au mieux finirait par s’établir comme la seule véritable, reconnue comme telle par l’Etat. Il faudrait alors que l’homme de ce temps ou Celui qui vit hors du temps lui parle, à Jean Calvin sur son mont Nébo, de l’émergence des libertés modernes survenues dans le sillage lointain de la Réforme.

Publicité

Les quatre piliers
Enfants de Moïse, enfants d’Abraham, enfants de Calvin: l’héritage des pionniers est toujours disputé. Pris sous l’angle de la foi, ce sont bien les évangéliques qui peuvent se réclamer héritiers de Jean Calvin. L’accent sur la conversion et le témoignage, la véracité de la Bible et la centralité de l’expiation du Christ à la Croix, soit la vulgate évangélique des «quatre piliers», relient Calvin aux évangéliques d’hier et d’aujourd’hui. Lui-même décrit sobrement une expérience de conversion dans son Institution, au début de sa vie adulte, comme «subi(t)e». Même si par la suite, c’est par le catéchisme et la prédication dominicale (quatre mille au cours de sa carrière) qu’il entend faire de ses paroissiens genevois de bons chrétiens réformés.
Historiquement, du reste, les évangéliques sont issus en majorité de la réforme calviniste (même lorsqu’elle a été réimplantée depuis le monde anglo-saxon). De cela, il faut exclure les mennonites/anabaptistes qui peuvent revendiquer une filiation directe avec les pionniers de la Réforme radicale.
La question qui se pose est : comment des protestants marqués par le rationnalisme et la lecture critique de la Bible, qui refusent les confessions de foi, peuvent-ils se réclamer de Calvin? Selon les libéraux, il faut le lire et aller beaucoup plus loin; prendre la liberté qu’il demandait pour les croyants réformés et l’étendre à toutes les expressions de la conscience personnelle. Ce glissement était déjà pleinement en discussion un siècle après Calvin, où des héritiers affirmés tels Pierre Bayle et Pierre Jurieu, qui précèdent de cent ans la Révolution française, se crêpent le chignon sur les limites à donner à l’élargissement de la liberté de conscience. Calvin part de la liberté chrétienne pour arriver à la liberté de conscience. Il espère arriver à la liberté de culte en France. Mais le virage ultérieur vers la liberté religieuse lui aurait déplu, pense Mario Turchetti, historien. Pour tout un pan du protestantisme réformé, il est clair que Calvin est un aïeul encombrant et, passé son époque, ses plus féroces critiques ont été des protestants.

Les Eglises séparées de l’Etat
Calvin aurait-il admis le concept d’Eglises libres, indépendantes de l’Etat? La question est ouverte et peut-être insoluble.
Calvin n’a pas hésité à recourir aux autorités civiles pour faire appliquer ses idées. Ce sont ses partisans qui, avec les années, ont pris l’ascendant sur la politique genevoise. Dans son idée, le gouvernement terrestre tenait son pouvoir de Dieu et il avait des responsabilités vis-à-vis de la piété de sa population. Dans le même temps, Calvin a opéré une séparation entre ordre spirituel et ordre terrestre, enjoignant ses auditeurs, à la suite de l’apôtre Paul, à obéir aux instances et aux lois politiques dans la mesure où cela ne contredisait pas la loi divine. C’est de cette semence qu’est née, avec le temps, l’idée de liberté de conscience. Calvin était héritier de l’Eglise du Bas Moyen-Age, cette Eglise qui se recoupait quasiment avec la population, la «paroisse». C’est aussi la raison pour laquelle Calvin a défendu le baptême des enfants, qu’il rapprochait de la circoncision.
Par ailleurs, selon le pasteur Christophe Strohm, «la dureté avec laquelle Calvin a toujours attaqué les doctrines déviantes s’explique par les menaces pesant sur l’Eglise réformée naissante. Sa conviction était qu’elle ne pourrait survivre que par un attachement rigoureux à la Bible». Pourquoi Calvin (avec les autres réformateurs) a-t-il persécuté les anabaptistes ? Il croyait à une seule Eglise.
La tolérance d’une diversité théologique sur des sujets secondaires est un acquis plus ou moins récent des évangéliques, mais elle est due à la paix dont ils jouissent – la Réforme n’est plus menacée. Cette idée de vérités théologiques fondamentales et secondaires est absente de la pensée du réformateur.
L’idée que l’Eglise puisse à nouveau être confrontée à des pouvoirs athées ou païens ou polythéistes (la Rome antique hier, les terres de mission de l’époque moderne) n’était pas de son siècle. Ce que Calvin n’avait sans doute pas prévu non plus, c’est que des protestants qui avaient connu le Réveil se retrouveraient dans une position analogue à celle des réformés de première et deuxième générations face aux catholiques unis au pouvoir : avec l’impression d’une Eglise officielle apostate avec laquelle il fallait rompre pour sauver le contenu de la foi.
Calvin a beaucoup insisté sur la notion de l’Eglise invisible, qui est sa première identité. Sur ce principe, on peut en déduire qu’il aurait admis la constitution de communautés indépendantes, mais c’est une supposition.

Prédestination?
Entre Calvin et ses héritiers supposés, la grande différence tourne autour des questions de liberté et d’égalité. C’est que la Révolution française et l’individualisme du 19e et 20e siècles ont changé beaucoup de choses. Ce n’est pas une liberté moderne qu’on trouve chez Calvin, mais une liberté pour obéir et servir Dieu, une liberté qui tienne compte de la grâce autant que de la Loi. Le réformateur avait un grand respect pour la Loi et l’Ancien Testament. La notion du Dieu qui prédestine (choisit les élus par avance), quoique biblique, semble contredire la liberté moderne. Calvin ne voyait pas ces deux dynamiques, la liberté humaine et le choix divin, comme contraires mais complémentaires et même incompréhensibles l’une sans l’autre.
Si on prend la vision de la foi et de celle de l’Eglise, les réformés évangéliques comme ils existent localement dans des paroisses luthéro-réformées ou dans certaines unions d’Eglises en France, aux Etats-Unis ou aux Pays-Bas, pratiquant le baptême d’enfants et acquis à la notion de paroisse, sont peut-être les héritiers «du sang de Calvin», quoique pas les plus nombreux et les moins sujets à des tensions. Mais des évangéliques américains qui prient avec un président ou des pasteurs africains qui ont des ministres du gouvernement parmi leurs ouailles sont aussi héritiers. Mais les paramètres sociaux ont changé, en cinq siècles. Et la fidélité doit être dynamique. Du reste, si l’on voulait être directement fidèle à Calvin, celui-ci vous dirait sans doute: soyez plutôt fidèles à la Bible.

Joël Reymond


Vrai ou faux?

Calvin était un théocrate (un prêtre exerçant un pouvoir civil, séculier) ✔ VRAI. Il a exercé un pouvoir qui allait au-delà du religieux strict, mais c’était la norme à l’époque. Il a condamné Michel Servet ✗ FAUX Les autorités civiles punissaient sévèrement le blasphème. Calvin a tenté de lui éviter le bûcher. Il ne faisait aucune concession doctrinale ✓ VRAI Il lisait la Bible en cherchant le sens spirituel et non celui littéral ou historique ✗ FAUX Il était timide ✓ VRAI. Orphelin, il a besoin d’être aimé et reconnu. Il n’aimait pas beaucoup la musique ✓ VRAI… au début. Il a dû se rendre à l’évidence: les fidèles appréciaient. Après avoir composé six psaumes, il a sous-traité ce travail à d’autres. Il est l’auteur de 95 thèses de la Réformation ✗ FAUX. Mais la formule «Soli Deo Gloria» est de lui. Il est allé plus loin que Luther dans la Réforme ✓ VRAI. Il ne voulait plus de hiérarchie ecclésiastique et niait la présence réelle du Christ dans la Cène. Il était en bons termes avec tous les autres réformateurs ✗ FAUX Les rapports entre luthériens et réformés, à la fin de sa vie, étaient à couteaux tirés. Il a défendu la séparation de l’Église et de l’État ✘ FAUX Amoureux de la Bible, il était opposé à la raison ✘ FAUX Calvin a rédigé 4000 sermons: ✓ VRAI. Il était très attaché à l’enseignement des chrétiens et vouait une grande énergie à la prédication, partout où il a vécu. Calvin a écrit: «Dieu ordonne les uns à la vie éternelle, les autres à l’éternelle damnation» ✓ VRAI. En effet, dans l’esprit de Calvin, tous les hommes n’ont pas accès à la révélation du salut en Christ. Il croit donc en la prédestination des hommes. Calvin est l’auteur de 95 thèses de la réformation ✘ FAUX C’est Luther qui aurait placardé 95 thèses qui ont lancé la Réforme en Allemagne, à la porte de l’église de Wittemberg (aujourd’hui en Saxe-Anhalt) le 31 octobre 1517. Ces thèses s’articulaient principalement autour des indulgences pratiques par l’Eglise catholique en ce temps-là, pour les contester. Calvin a inventé la prédestination. ✗ FAUX

Thèmes liés:

Publicité