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Enquête: L’obéissance à l’ère de l’égo

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A l'occasion des fêtes de Noël et du jour de l'an, la rédaction d'Evangéliques.info vous offre des articles récemment publiés dans le Christianisme Aujourd'hui, SpirituElles et Just4U. Bonne lecture, et surtout joyeuses fêtes !
Evangéliques.info

«Si vous m’aimez, respectez mes commandements» (Jn 14, 15). Depuis ces paroles de Jésus, l’obéissance a été historiquement au cœur de la spiritualité chrétienne, des moines au mouvement missionnaire, en réponse à l’ordre de Jésus de faire des nations ses disciples.

Individualisme de masse
Mais à l’ère de l’égo, ce message est-il encore recevable? Difficilement, si l’on en croit sociologues et théologiens. Dominique Wolton, sociologue, par exemple, parle de «l’individualisme de masse». Il a construit ce mot pour «rendre compte de l’originalité de la société contemporaine où cohabitent deux données structurelles, toutes deux normatives mais contradictoires: la valorisation de l’individu au nom des valeurs de la philosophie libérale et de la modernité; la valorisation du grand nombre au nom de la lutte politique en faveur de l’égalité.»

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L’appel à l’obéissance
Par ailleurs, le légalisme dans l’Eglise peut laisser des traces, particulièrement chez les enfants de chrétiens, qui le ressentent comme une perversion de la saine obéissance: «Il y a parfois eu un conformisme attendu pour de mauvaises motivations; question d’apparence de la personne, de la famille, un cache-misère», avoue Paul Harrison, pasteur et évangéliste de l’Eglise de la rue de Sèvres, à Paris. «Il y a un dégoût pour le légalisme ou l’hypocrisie qui repousse», poursuit-il.
Le pasteur voit toutefois des racines plus profondes à ce blocage: «La réponse est peut-être simpliste, mais l’obéissance représente toujours un défi pour des humains marqués par un désir d’indépendance par rapport à Dieu (Gen. 3).» En somme, le refus d’obéir est davantage la cause de l’individualisme que sa conséquence. Se référant à la parabole du fils prodigue dans Luc 15, il rappelle que la révolte est une stratégie de mise à distance de Dieu, mais qu’on «peut aussi le faire en restant dans une religiosité, en voyant notre vie avec lui comme un certain esclavage où il nous doit quelque chose», comme le fils aîné. Ainsi, l’hyperobéissance n’est pas non plus la garantie d’une relation vivante avec Dieu.
Cependant, même si l’obéissance est un repoussoir pour certains dans leur quête de Dieu, pour d’autres, c’est un argument-vérité. Paul Harrison se souvient d’un journaliste qui voulait abandonner le parcours de découverte de la foi organisé par son Eglise car le christianisme épousait trop les aspirations humaines pour être vrai.

Renoncer à soi-même
Décidé néanmoins à lire le texte de la soirée, il est interpellé par Marc 8, 34: «Si quelqu’un veut être mon disciple, qu’il renonce à lui-même, qu’il se charge de sa croix et qu’il me suive!» Il dit avoir expérimenté alors un changement radical. «De l’incrédulité, il est passé à la foi. Il est venu à la soirée et il est devenu disciple de Jésus», se réjouit l’évangéliste.
Obéir à Dieu reste cependant délicat. Car si c’est compris intellectuellement, dans la durée, cela représente un vrai défi. La difficulté, «c’est qu’il s’agit plutôt d’une longue série de petites décisions. Est-ce que je vais écouter Jésus dans ce qu’il me dit aujourd’hui? Demain? Ou est-ce que je vais nuancer sa Parole?» questionne Paul Harrison.

Le cadre intégré
Une obéissance saine et vivifiante nécessite un travail sans cesse renouvelé d’appropriation de la volonté de Christ. Pour Joëlle Sutter-Razanajohary, pasteur de l’Eglise baptiste d’Annecy, «un jeune chrétien, au début, va “obéir” par principe au Seigneur. Mais au bout d’un moment, cette loi de Dieu va lui devenir intérieure et l’obéissance cesse d’exister en tant que telle.» Car «dans un chemin vers la maturité spirituelle, on intériorise le cadre, la loi et les principes de Dieu», explique-t-elle.
C’est pourquoi elle a du mal à voir dans le concept de l’obéissance l’apogée de la spiritualité chrétienne. Pour elle: «Toute personne qui parle encore d’obéissance est un enfant dans la foi.»
Elle explique: «Selon moi, l’obéissance suppose que quelqu’un détient l’autorité et que l’autre s’y soumet.» Or, la communion avec le Dieu trinitaire par le Saint-Esprit en moi fait que «je ne suis plus soumis à quelqu’un qui a autorité sur moi depuis l’extérieur. J’ai envie de participer à la vie de Dieu, pour moi et pour les autres.»
Alors, en fin de compte, obéit-on à la loi ou à la grâce? «Le cadre de la loi de Dieu est celui dans lequel je me meus toute entière. Mais selon Tite 2, 11-12, c’est bien la grâce de Dieu qui m’enseigne et qui me sert de pédagogue.»

Pardon et obéissance
Contre le légalisme, le pardon est indispensable. Pour l’évangéliste et pasteur Paul Harrison: «Le plus fort a été de voir mon père ou ma mère me demander pardon pour quelque chose. J’ai vu dans cette attitude la beauté de l’Evangile qui permet à quelqu’un d’être prêt à reconnaître ses torts et s’humilier parce qu’il a confiance en Dieu.»
C’est d’ailleurs ce pardon-là qui permet aux chrétiens de se décentrer de leur égo, de vivre la dimension collective du projet de Dieu et d’échapper ainsi à la solitude de l’individualisme de masse. Car grâce à lui, l’obéissance à Jésus-Christ devient une bonne nouvelle pour une génération piégée par son égo.

Célia Evenson, publié dans le Christianisme Aujourd’hui le 18 décembre 2017.

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